Les Compagnons du Devoir se forment à la création de bassins
Aspirants jardiniers-paysagistes, ils apprennent un métier complet, basé sur l'expérience et les voyages en France et à l'étranger. Leur parcours s'est récemment doté d'un stage technique consacré à une activité en développement : les bassins d'ornement avec pièce aquatique « naturelle ».
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Ils s'appellent Irène, Alexandre, Antony, Joris, Michaël, Franck, Raphaël, Guillaume, Brice... Ils ont choisi d'apprendre leur métier en s'engageant dans le Tour de France des Compagnons du Devoir. À l'heure où nombre d'enseignants, responsables de centres de formation et recruteurs regrettent le manque d'entrain des jeunes à quitter leur région d'origine, ces aspirants Compagnons ont choisi le voyage pour base de leur apprentissage professionnel : « Ici, tout le monde aime voyager, découvrir et aller vers l'inconnu », affirme Irène. Avant d'entrer en compagnonnage, ils avaient un BEP, un bac STAE ou pro, un BTS... Durant leur Tour de France, ils travaillent au coeur de chantiers publics, parcs ou espaces verts, jardins thérapeutiques ou de particuliers... à Sète, Albi, Angers, Colmar, Tours, Villandry, Nîmes, Paris, Marseille, Strasbourg, Troyes, Lyon, Toulouse, Cahors, Saint-Tropez, Reims, Perpignan, Montpellier, Nantes, Clermont-Ferrand, Toulon... Certains, souvent en troisième année, ont également vécu au moins une expérience professionnelle à l'étranger (Irlande, Arabie Saoudite, Montréal...).
Centre du Scamandre
UN EXEMPLE DE GESTION D'UNE ZONE HUMIDE
Sous contrat de professionnalisation, ils suivent six semaines de formation par an ou stage de perfectionnement technique et thématique. Responsable, au sein des Compagnons du Devoir, de l'Institut des métiers de la nature, du jardin et du paysage (IMNJP) à Paris (75) et des programmes de formation, Mélanie Calvet a mis en place, pour le métier de jardinier-paysagiste, un nouveau parcours consacré à la création de bassins « naturels » en paysage. « Ce stage d'initiation d'une durée d'une semaine a été créé pour répondre à la demande croissante en bassins et à l'envie des jeunes de mieux appréhender ce sujet », explique-t-elle.
Il s'est déroulé en Camargue gardoise, du 28 janvier au 1er février 2013. Les dix participants, venus de différentes régions de l'Hexagone, ont notamment découvert la zone humide du centre de découverte du Scamandre (*), à Gallician dans la région de Vauvert (30). « En commençant par la visite de cette réserve naturelle, nous leur avons montré une zone humide dans son environnement. Cette étape d'observation est utile pour faire les bons choix et éviter certaines erreurs. Il s'agit de comprendre ce qui modifie la turbidité de l'eau, les plantes utiles pour la phytoépuration mais aussi celles potentiellement invasives comme la jussie, ou encore ce qui influe sur les concentrations en sels et en minéraux dans l'eau », explique Philippe Prohin, co-animateur de cette formation et gérant de la pépinière Nymphéa. « Faire un inventaire des habitats et des espèces associées (faune et flore), évaluer leur rareté, comprendre comment ils vivent et interagissent dans leur contexte et mesurer les enjeux de toute décision sont également des critères fondamentaux. De même, avant de créer un jardin d'ornement, de se lancer dans un chantier et d'y insérer avec succès un projet de bassin ou de réalisation aquatique végétalisés, il faut raisonner la gestion du contexte. Pour nous professionnels, il est important de sensibiliser ces jeunes et de partager nos expériences. La demande en bassins et piscines naturels augmente fortement : c'est un nouveau métier émergent. Je souhaite que notre activité, très spécialisée, se professionnalise. Car on ne livre jamais “du brut”. On travaille avec du vivant, de l'évolutif, des équilibres précaires, très sensibles et jamais figés. Il faut savoir anticiper le devenir de ces zones. Même pour de la création de jardins d'ornement, dès lors qu'il y a un bassin dit “naturel”, il faut respecter des règles spécifiques. » Au fil de leur carrière, ces jeunes seront probablement amenés à rencontrer des projets d'aménagements de sites naturels. Gallician-Vauvert leur offre une vision globale des accords entre le site, l'eau, la vie et les aménagements en bois, par exemple. « J'apprécie tout particulièrement de travailler avec des Compagnons du Devoir : ils ont une grande ouverture d'esprit. Et puis, ce sont de potentiels futurs partenaires, clients et/ou collègues. Dans notre métier, bassins et sites naturels sont des domaines où nous intervenons souvent avec plusieurs partenaires pour partager les compétences et réaliser les chantiers », ajoute Philippe Prohin.
Nymphéa et France Koï
LA FLORE ET LA FAUNE POUR L'ORNEMENT
Les aspirants Compagnons ont poursuivi avec la visite de Nymphéa, au Cailar (30). À quelques kilomètres de Nîmes-Aigues-Mortes, sur 2 ha et 7 000 m² de bassins, la pépinière de Philippe Prohin produit et cultive plus de 280 espèces et cultivars de plantes de bassin et de bordure pour deux créneaux de marché : une gamme et des concepts pour les jardineries et les pépinières, une autre pour les professionnels de l'environnement et de la phytoépuration, dont les entreprises de service et les bureaux d'études. Ils ont ainsi abordé les innovations et les évolutions de leur métier de jardinier-paysagiste, dont la création de bassins ornementaux, autrement plus complexe et technique qu'il n'y paraît. Ils ont ensuite découvert France Koï, une entreprise de pisciculture spécialisée dans les carpes Koï et située à Blomac dans la région de Carcassonne (11). Le rôle, le besoin et les conséquences des poissons en bassin d'ornement y ont été évoqués.
Quant à la partie théorique, elle s'est déroulée à la maison des Compagnons de Nîmes autour de plusieurs objectifs : identifier les besoins et les moyens d'un client pour la création et l'entretien, définir les méthodes de conception et les techniques de pose, comprendre la difficulté de travailler avec du vivant, faire face aux maladies courantes et utiliser les traitements adéquats... Les équipements et les systèmes existants pour l'agrément des bassins ornementaux (luminaires, filtration mécanique, oxygénateur, fontaine ou cascade...) ont par ailleurs été présentés par Nicolas Bisto, de la société Oase. Et pour conclure, le groupe a dû plancher sur le projet de réalisation d'une pièce aquatique au sein de cette maison nîmoise. Deux stagiaires participeront au chantier, a priori dès cet été.
Le compagnonnage
UN PARCOURS DIFFÉRENT
Ces jeunes découvrent souvent l'existence du Tour de France des Compagnons via le témoignage d'un membre de leur entourage proche ou à l'occasion de portes ouvertes. Entre une scolarité classique qui ne leur convient pas et les parcours par alternance qui existent par ailleurs (Maison familiale rurale, apprentissage), ils préfèrent le compagnonnage qui leur permettra, chaque année, de changer de ville, de région et donc d'entreprise. « Les multiples rencontres et le partage d'expériences nous font progresser rapidement », affirme Antony. « C'est aussi l'occasion de se confronter à des visions différentes », complète Michaël. « Et la transmission des anciens compagnons est importante. Elle est une chance à saisir quand on est jeune », ajoute Franck. Le parcours d'un Compagnon du Devoir dure entre quatre et six ans. Il peut être interrompu si le système n'est pas adapté aux attentes. Les diplômes, le choix des parcours, les rythmes et la durée... varient pour chacun. Mais tous soulignent la richesse du carnet d'adresses qu'ils ont la possibilité de se constituer au fil de leur progression. De même, la vie en communauté dans les soixante maisons des Compagnons représente pour eux un atout majeur : « Dans ces maisons de vie où nous sommes hébergés, nous rencontrons des jeunes engagés dans vingt-sept autres métiers. Parmi ces professions, une quinzaine ont des liens de proximité avec les bases de notre métier de jardinier-paysagiste : maçon, menuisier, plombier, électricien... Outre l'ouverture d'esprit, ce partage est très instructif et nous apporte des éléments certainement très utiles pour l'avenir... »
Odile Maillard
(*) Centre ouvert au public et aux scolaires, géré par un syndicat mixte entre le conseil général du Gard et huit communes. Le site est à la fois réserve naturelle, réserve de biosphère, Grand Site et site Natura 2000, mais également site classé SAGE, SNIEFF et RAMSAR pour la gestion et la protection de l'eau et des zones humides.
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